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Elod'images et mots dits
5 juin 2010

Forêt

"Vous êtes là ?"
Elle ne le voit plus, ne l'entend plus.
La nuit est tombée et la forêt devient vraiment sombre à présent.
Et dire qu'elle est... nue, au milieu de ce chemin !
C'était un jeu, ils ont fait des photos...
Et puis il lui a demandé de fermer les yeux, et à plusieurs reprises s'est éloigné, pour lui rapporter quelque chose : elle, les yeux clos, a senti dans sa main, au toucher, un bout d'écorce, devant son visage, au parfum, un champignon, près de son oreille, une feuille froissée, sur ses seins, la caresse d'un peu de mousse...
Mais là, il ne revient pas. Et ça dure...
Elle n'en revient pas !
Elle ouvre les yeux : autour d'elle, partout, la forêt.
Et ses vêtements, où sont-ils ?
Elle sent son coeur s'accélérer, une boule lui serrer la gorge. Elle met ses bras sur ses seins, instinctivement, pour les couvrir. Elle ne bouge pas.
"Vous êtes là ?"
Elle répète inutilement la question. Silence. Et tous les bruits de la forêe : elle les entend bien à présent, ils sont plus forts et plus inquiétants que lorsqu'elle marchait, tout à l'heure, insouciante, la main dans sa main...
Elle frissonne. De peur, de froid un peu, de sentir sur sa peau l'humidité de la forêt.
Des craquements pas loin. Elle sursaute : n'y a-t-il pas quelqu'un ? Et si c'était une bête ? Un chevreuil apeuré, ou pire, un sanglier ?
Elle a vraiment peur, sent la panique la gagner. Et la colère aussi : le jeu n'est vraiment plus drôle !
"Vous êtes où ?"
Elle a appelé plus fort, en criant presque. Et sa question reste sans écho. Mais le son de sa propre voix la rassure un peu, et le bruissement rapide des feuilles, avant l'envol de... quelque pie, la fait sursauter puis respirer un grand coup, sourire faiblement.
Il faut calmer son coeur, maîtriser cette peur qui l'envahit. Elle retrouve en elle toutes ses peurs, les bêtes le froid, l'inconnu, la nuit, être seule. Elles sont toutes rassemblées là : elle les connaît bien toutes, les a souvent combattues... Ces peurs qui la prennent aux tripes, et lui embrument le cerveau. Elle sent que sa capacité à réfléchir va s'embrouiller, que l'imagination essaie de mener la danse : et si une bête lui sautait dessus ? Et si des paires d'yeux la regardaient, là, en ce moment-même ? Et si, et si... ?
Alors elle respire en grand et essaie de rassembler ses idées : le danger est-il objectif ? A l'instant, non, c'est tout ce qui pourrait arriver, ce qu'elle imagine... C'est irrationnel, elle le sait.
Mais se dire ça, ne la calme pas vraiment. Si au moins elle avait ses vêtements ! Elle n'ose pas avancer sur le chemin, a peur d'une rencontre, animale ou humaine...
Il ne doit pas être très loin pourtant.
Mais s'il était parti, en emportant ses vêtements ?
Non, il va revenir !
Il faut qu'elle l'attende. S'il ne revient pas, dans un moment, elle partira, elle reprendra le chemin en sens inverse, elle finira bien par arriver à la route...
Alors il faut attendre. Elle lève les yeux, voit la lune. C'est bienveillant la lune, ça l'a toujours rassurée ! Oui mais ça c'était de sa fenêtre ; là... la lune fait de drôles d'ombres sur le chemin...
Elle regarde mieux autour d'elle : ce gros arbre, c'est un chêne, voilà du solide. Ohlala, mais les glands, ça n'attire pas les sangliers ? Non non, n'y pense pas...
Plus elle le dit, plus elle y pense !
N'empêche, elle s'approche du chêne, en touche l'écorce, s'y appuie, ferme les yeux : la peur lui laisse un instant de répit. Elle s'assied sur ses talons, au pied du chêne, le visage dans ses mains. Elle se dit que dans un moment, il faudra partir, marcher, nue, sur le chemin... A moins qu'elle devienne elfe, au pied de cet arbre... A moins que les esprits de la forêt l'enlèvent...
Et toujours ces bruits alentour, qui l'inquiètent et qu'elle essaie de ne pas entendre...
Soudain, elle sent qu'on lui prend le bras, elle crie, mais une main lui ferme la bouche !
"Douce ! Je suis là !
- C'est vous ! "
Ette rit et pleure à la fois, il l'enlace et l'embrasse, son contact est délicieux, elle se serre à lui et se débat à la fois pour lui donner des petis coups partout, pour lâcher sa colère, contre lui, contre elle-même, contre toutes les peurs...
Et entre rire et larmes et coups et caresses, elle sent monter un terrible désir de lui, d'être prise là, nue, en pleine forêt...

Nue en forêt









 

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Commentaires
C
J'envie ce "jeu", de pouvoir vivre ce fantasme, de pouvoir toucher, sentir, ressentir...
E
@ Chilina : oh, on voit que tu n'es jamais allée la nuit dans les forêts de ma région ! ça grouille de gibier, alors ça fait du bruit, et on en rencontre souvent...
C
C'est tres différent ...J'avoue ne pas avoir du tout penser ni aux animaux, ni aux bruits, ni à d'autres yeux que les siens ...<br /> merci Elodie
E
@ Canelle : pourquoi m'envier ? d'avoir eu si peur ? Ou d'être Elodie ?
C
je vous envie, Elodie...
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